jeune viticulteur

Cinq compétences durables pour entrer dans la viticulture du XXIe siècle

Le développement durable change la donne pour le vigneron

Les vignerons en sont conscients : ils vont devoir s’adapter au dérèglement climatique, modifier leurs pratiques viticoles en questionnant l’impact sur la biodiversité, la protection phytosanitaire, la fertilisation et la gestion de l’eau.  C’est un passage obligé. De nombreux domaines viticoles l’ont compris et s’engagent dans des démarches environnementales (HVE, Terras Vitis, Bio etc…)

Le développement durable change la donne pour le vigneron. Cela implique une autre façon de penser la qualité de son vin, de conduire son vignoble, de valoriser sa production et de gérer son domaine. Comment les vignerons peuvent-ils s’y préparer ? Existe-t-il des leviers au niveau individuel pour réussir ?

S’engager dans le développement durable, c’est avant tout une démarche volontaire. Il faut avoir envie d’y aller. Se former à un référentiel, maîtriser les normes réglementaires et les bonnes pratiques environnementales pour son domaine, c’est essentiel.

Pour passer à l’action, le vigneron devra mettre en œuvre de nouvelles compétences durables : un comportement responsable, une capacité de dialogue, la volonté d’associer son équipe dans un esprit collectif, la remise en cause de son organisation pour la faire évoluer et la recherche constante de nouveaux procédés innovants.

C’est en quelque sorte son carnet de route individuel pour transformer de grandes intentions en pratiques opérationnelles et entrer dans la viticulture du 21e siècle !

Agir de façon responsable

Aujourd’hui, sous la pression des consomm’acteurs, on ne demande plus seulement au vigneron de produire un vin de qualité, mais on attend désormais de lui un comportement responsable.

Un comportement responsable n’a rien d’évident. Cela implique une autre façon de prendre ses décisions, en intégrant l’impact de ses actions sur les autres. Quelle est la conséquence de mon action pour la santé de mes salariés, pour mes voisins, sur l’environnement ?

Envoyer un mail ou un SMS 48h avant un traitement au personnel, aux prestataires susceptibles d’intervenir au vignoble ou bien encore à ses voisins, c’est un comportement responsable. A long terme, le vigneron y gagne en motivation, en image et en crédibilité.

Communiquer avec TOUTES vos parties prenantes

Jusqu’ici le vigneron prenait en compte l’avis de ses clients directs, des acheteurs (CHR,GD) des prescripteurs, des bloggeurs… Aujourd’hui, pour faire du vin, il devient nécessaire d’associer de nouveaux acteurs : les fournisseurs de bouteilles, de matières sèches… les riverains, les mairies, les intercommunalités, les offices de tourisme etc.

L’organisation de journées découvertes ou de de repas lors des vendanges est l’opportunité de créer un dialogue avec chacune de vos parties prenantes, d’identifier les sujets qui ont du sens pour elles.

Développer un style de management plus participatif

Le vigneron engagé dans une démarche durable doit réussir à embarquer toute son équipe et la responsabiliser. C’est la consulter avant de décider. C’est s’appuyer sur les idées et les suggestions de chacun pour mieux les associer à la démarche. C’est adopter un style de management plus participatif et accepter de déléguer davantage.

Associer le personnel administratif et le service client à des moments clés de la vie du domaine pendant la taille ou bien lors de la dégustation d’un vin permet d’insuffler de nouvelles idées et de favoriser la collaboration entre tous.

Savoir se réorganiser

Le vigneron doit être mesure de se réorganiser en permanence, de repenser ses processus, de changer les pratiques : isoler les chais, refaire les revêtements de sols, mettre en place une station d’épuration, mieux gérer le lavage des tracteurs, l’évacuation des déchets etc.

Au niveau humain, ce changement d’organisation peut amener à faire bouger les gens dans l’entreprise, à faire évoluer leur rôle et leurs responsabilités.

Adopter les bons gestes numériques

Depuis ces cinq dernières années, les innovations technologiques foisonnent dans le domaine viti-vinicole afin de diminuer la pénibilité des taches et de réduire les impacts de la production viti-viticole sur l’environnement. Elles ont en commun de s’appuyer sur des équipements connectés et des applications numériques.

En ce sens, même si c’est l’observation parcellaire qui guide d’abord le vigneron, il doit s’appuyer sur les bons gestes numériques pour conduire son vignoble : utiliser son smartphone dans les vignes, consulter des tableaux de bord pour prendre les bonnes décisions.

En conclusion, engager son domaine dans une démarche durable, c’est un peu comme jeter un pont de corde pour atteindre l’autre rive. Et c’est bien désormais à chaque vigneron de savoir le franchir en développant de nouvelles compétences durables. C’est entrer dans la viticulture du 21e siècle.

Par Sylvie Brasquies, publié le 12 Décembre 2019
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vendanges à la main

Conversion Bio : aider votre équipe à vivre la transition

Passer en Bio, c’est aussi un acte de management

Comment permettre à chacun de devenir acteur de cette transition?

Convertir son vignoble en viticulture biologique, c’est avant tout une décision de management pour engager son domaine vers une viticulture plus respectueuse de l’environnement. Les responsables du domaine mettent parfois beaucoup d’énergie à communiquer auprès de leurs équipes, sans toujours permettre à chacun de devenir acteur dans l’évolution de son métier.

Passer en Bio, c’est d’abord abandonner

L’engagement et l’esprit de persuasion du responsable de domaine ne suffisent pas toujours à lever tous les obstacles, lorsqu’on touche à l’organisation, aux pratiques de travail ou bien encore aux croyances. Certains ouvriers viticoles ou saisonniers évoquent le fait de ne pas être ‘’très partant’’ pour travailler en bio. Les arguments fusent : « Je ne suis pas convaincu que cela apporte quelque chose au vin… c’est pire pour les sols avec le cuivre… »

La véritable question de fond s’avère souvent en réalité : « Comment ne pas perdre mon savoir-faire, si l’on remet en cause les pratiques culturales telles qu’elles existent aujourd’hui ? Quels efforts cela va-t-il me demander en plus de mon travail habituel ? »

Pour aider son équipe à vivre cette transition, le responsable de domaine doit s’attacher à travailler trois points prioritaires :
  1. acter la fin des anciennes pratiques 
  2. travailler à construire de nouveaux repères 
  3. montrer le chemin parcouru

Démarrer le Bio du bon côté !

Beaucoup de changements échouent car on démarre par ce qu’ils ont de nouveau : les nouvelles pratiques culturales d’entretien du sol ou de fertilisation, le nouveau matériel, la nouvelle répartition du travail, etc.

Au lieu de démarrer par ce qui est nouveau, il faut d’abord acter la fin des anciennes pratiques et des anciennes logiques, notamment en matière de protection phytosanitaire : quels sont les tâches et les réflexes que nous devons arrêter ? Et pourquoi ?

Dans une seconde étape, le responsable de domaine doit s’attacher à construire de nouveaux repères avec son équipe. C’est une phase de transition un peu incertaine, dans laquelle l’équipe viticole et l’organisation du domaine peuvent être amenées à flotter un peu. Rien d’anormal ! Le travail dans les vignes n’est pas radicalement différent mais il y a une charge de travail plus importante, ce qui veut dire aussi mettre en place une organisation plus pointue.

Durant cette phase, l’équipe viticole a perdu ses anciens repères mais n’en a pas encore construit de nouveaux.

En viticulture biologique, la réactivité est importante car les fenêtres d’intervention sont courtes pour les traitements, l’agronomie ou la prophylaxie.

Plus l’équipe contribue à définir ces nouvelles pratiques, mieux la phase de conversion se déroule. À quoi veut-on que ressemblent le vignoble et le domaine demain ? Quand souhaite-t-on y arriver ? Que fera-t-on que l’on ne fait pas aujourd’hui ? Qu’est-ce que l’on ne fera plus ? Quels chantiers ou projets doit-on lancer pour y arriver à la date souhaitée ?

Enfin, il est important de marquer le nouveau départ puis de montrer le chemin parcouru.

Une façon simple de le faire est de réaliser son propre bilan avec l’équipe, en étudiant de manière comparative ce qui a changé dans les parcelles non traitées.

Donner du temps à votre équipe

Au démarrage de tout changement, on n’a pas encore complétement délaissé les anciennes tâches que l’on ne fera plus, mais on est déjà amené à prendre progressivement en charge de nouvelles tâches. Cette phase peut être à l’origine de tensions importantes au sein de l’équipe et mettre le manager en difficulté. S’ouvrir à d’autres pratiques, se montrer curieux, acquérir de nouveaux gestes nécessitent également de la disponibilité et du temps.

Le responsable de domaine doit se montrer rigoureux dans la gestion des priorités au début de tout changement et intégrer un temps d’apprentissage dans le planning de travail de son équipe.

Il doit explicitement préciser les nouvelles priorités, encourager son équipe à prendre le temps de réfléchir à ce qui est attendu de chacun : « Cette semaine, au lieu de donner un coup de main à la cave, tu prends deux heures, tu te poses et tu prends le temps d’essayer le nouvel intercep à lames sur le haut de la parcelle. »

Quels outils de management mettre en oeuvre pour passer en Bio?

La boîte à viti’ , ce sont des outils de management concrets destinés aux vignerons et aux managers de domaines pour les aider dans l’organisation et le développement de leur équipe.

Je vous propose la méthode suivante, à partager sans modération avec votre équipe viti.

Organiser un temps d’échange avec votre équipe.

Demander à chacun de réfléchir à l’évolution de son métier et de ses pratiques hier, aujourd’hui et demain :

– les tâches qu’il abandonne ;

– les anciennes tâches qu’il va continuer à assurer ;

– les nouvelles tâches qu’il doit prendre en charge ;

– les tâches pour lesquelles il se pose des questions.

L’objectif est d’acter d’un état de fait et de permettre à l’équipe de construire ses nouveaux repères. Pour cela, il est important que chacun puisse visualiser ses anciennes et ses nouvelles tâches.

C’est l’opportunité d’échanger sur la représentation que chacun a du bio et de mettre à jour les malentendus : en viticulture biologique, les ouvriers viticoles ont globalement un environnement de travail plus sain. Ils ont des vignes moins vigoureuses. Cela implique des bois moins gros à tailler. Et même lorsque l’on dispose d’un sécateur électrique, cela veut dire potentiellement moins de TMS, mais aussi moins d’ébourgeonnage…
C’est également l’occasion d’ajuster la répartition des nouvelles tâches au sein de l’équipe viti.

En conclusion, pour le vigneron ou le responsable de domaine, l’enjeu est de donner du sens à la démarche de conversion.

Échanger concrètement sur l’évolution de leur métier et des tâches qu’ils doivent effectuer est un levier efficace pour accélérer la transition des membres de l’équipe.

En donnant une vision claire de ce qui s’arrête, se poursuit et va commencer, chacun devient acteur dans l’évolution de son rôle et de ses responsabilités.

Par Sylvie Brasquies, publié le 14 Février 2019
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Carel Voorhuis - Champagnist.nl

Piloter le changement : retour d’expérience de Carel Voorhuis

Convertir son vignoble en biodynamie est un vrai projet de changement

Pour illustrer les 6 points prioritaires de mon article précédent à propos du passage en biodynamie, j’ai choisi d’interviewer Carel Voorhuis, l’ancien régisseur du Domaine d’Ardhuy à Corgoloin en Bourgogne. Il a vinifié un large éventail de crus en viticulture raisonnée avant de conduire le domaine avec succès jusqu’à la certification en biodynamie en 2012. Après 14 ans passés au Domaine d’Ardhuy, Carel vient de rejoindre la Maison Camille Giroud en tant que régisseur.

1-Anticiper les changements techniques en amont du projet de conversion

Pour Carel, l’un des points clés est l’anticipation : « Avant même de pratiquer les premiers essais en bio, le choix d’une stratégie de qualité conduit à intensifier les labours, à réduire les doses de désherbage pour s’orienter vers du désherbage d’appoint, à arrêter la fertilisation chimique pour se contenter de traiter les carences s’il y en a.  »

Ces changements de techniques doivent être mis en œuvre bien en amont du projet de conversion.

2-Bien communiquer auprès de son équipe ce qui va changer

La conversion en viticulture biologique est une décision qui va provoquer d’importantes modifications au niveau de l’organisation pour les ouvriers viticoles au niveau des méthodes et matériels utilisés. Il est important d’expliquer ce qui va changer pour eux.

‘’En viticulture bio, les ouvriers viticoles ont globalement un environnement de travail plus sain. Ils ont des vignes moins vigoureuses. Cela implique des bois moins gros à tailler. Et même lorsqu’on a un sécateur électrique, cela veut dire potentiellement moins de TMS, mais aussi moins d’ébourgeonnage, moins de pampres en surnuméraire…

Globalement, si on fait un sondage, il n’y en a pas beaucoup qui retournerait en arrière.

3- Mettre en place une nouvelle organisation pour gérer l’augmentation de la charge de travail

Lorsque le Domaine d’Ardhuy était en lutte raisonnée, il utilisait deux tracteurs enjambeurs et deux tractoristes pour travailler ses 40 hectares. Aujourd’hui il y a cinq tractoristes, qui font beaucoup d’heures supplémentaires : « En saison, il faut traiter quasiment toutes les semaines alors qu’avant avec des pénétrants ou des systémiques on pouvait tirer 12 à 14 jours. »

Le travail dans les vignes n’est pas radicalement différent mais il y a eu une charge de travail beaucoup plus importante, ce qui veut dire une organisation plus pointue à avoir…

4-Faire des essais et apprendre de ses erreurs

Afin de s’assurer que l’orientation que l’on veut prendre est la bonne pour son vignoble, il faut d’abord faire quelques essais en viticulture biologique et de contourner certains écueils techniques.

Pour moi, le principal écueil de la bio et de la biodynamie, c’était le cuivre.

« Quand on a fait nos tests en bio, on a commencé à valider avec nos propres expériences, ce que l’on nous disait en biodynamie mais qu’à la base j’avais du mal à croire : avec des traitements à des doses très faibles de l’ordre de 200 g de cuivre métal par hectare, cela permettait de tenir, en renouvelant quand c’était lessivé. »

On a vu que ça marchait parfaitement bien et on a décidé de faire la conversion.

5-Gérer sa motivation tout au long du processus pour dépasser les étapes difficiles

La période de conversion est de trois ans pour obtenir la certification. D’un point de vue technique, le vigneron traverse des étapes de frustration et de doute : « 2012 a été une année très compliquée avec du mildiou sur grappes et on a perdu pas mal de récolte et il se mettait à pleuvoir aux périodes où on faisait un traitement… »

On savait très bien que nos cuivres étaient lessivés, qu’on allait avoir des contaminations mais on était impuissants.

Finalement, malgré la prise de risque que cela comportait, le domaine d’Ardhuy a décidé de rester en biodynamie et de tenir bon.

6-Mener le changement jusqu’aux circuits de distribution

L’obtention d’une certification marque un nouveau départ pour le vigneron. Le passage en biodynamie s’accompagne également d’une évolution de la politique commerciale pour assurer la rentabilité de son domaine. Il s’agit de cibler un nouveau panel de distribution pour accéder à une clientèle haut de gamme au détriment de marchés moins rémunérateurs.

Le passage à la biodynamie est un projet de changement profond dont on ne peut pas sous-estimer les aspects humains : on introduit de nouvelles valeurs à partager, on touche aux habitudes de travail de chacun. La phase la plus critique est celle où le vigneron vit des moments de doute et de remise en question. Il s’agit d’une étape forte où le vigneron « désapprend » pour mieux s’engager vers de nouvelles habitudes de travail.

En conclusion, le passage en biodynamie nécessite de nouvelles capacités techniques et commerciales et exige de grandes qualités humaines pour entreprendre un nouveau départ pour soi et son vignoble.

Par Sylvie Brasquies, publié le 23 novembre 2017
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silhouette de montgolfire au soleil couchant

Passage en biodynamie : les 6 points prioritaires

Convertir son vignoble en biodynamie est un vrai projet de changement

C’est souvent par conviction que le vigneron cherche à redonner à la plante et au sol un équilibre, une vitalité déréglée par des traitements chimiques à répétition.

Il devra prendre de la hauteur, gérer sa motivation et mobiliser de nombreuses ressources personnelles face aux difficultés qui se présenteront à lui tout au long de ce projet.

Pourtant, le choix de réorienter son vignoble en biodynamie n’est pas une décision facile à prendre. C’est un choix risqué, qui nécessite une adaptation de son matériel, de son organisation de travail ainsi que des compétences particulières pour les préparations biodynamiques.

C’est rentrer dans une nouvelle logique de production pour s’orienter vers une stratégie plus qualitative qui dynamise la plante et son environnement.

C’est construire une nouvelle politique commerciale auprès des circuits de distribution spécialisés pour accéder à de nouveaux marchés à plus forte valeur ajoutée.

C’est finalement un changement qui touche les habitudes de travail du vigneron. Il peut être amené à traverser différentes étapes personnelles : entre la frustration, le doute, la remise en question mais aussi la surprise et la joie qui accompagnent la découverte et l’apprentissage de nouvelles façons de faire.

Convertir son vignoble en biodynamie nécessite de nouvelles capacités techniques et commerciales mais aussi la capacité humaine à piloter ce changement.

Parmi les points prioritaires à examiner pour le vigneron :

  1. anticiper les changements techniques en amont du projet de conversion ;
  2. mettre en place une nouvelle organisation pour gérer l’augmentation de la charge de travail ;
  3. bien communiquer auprès de son équipe ce qui va changer ;
  4. faire des essais et apprendre de ses erreurs ;
  5. gérer sa motivation tout au long du processus pour dépasser les étapes difficiles ;
  6. mener le changement jusqu’aux circuits de distribution.

Pour illustrer les 6 points prioritaires, j’ai choisi d’interviewer Carel Voorhuis, l’ancien régisseur du Domaine d’Ardhuy à Corgoloin en Bourgogne.

Il a vinifié un large éventail de crus en viticulture raisonnée avant de conduire avec succès la certification du domaine en biodynamie en 2012. Après 14 ans passés au Domaine d’Ardhuy, Carel vient de rejoindre la Maison Camille Giroud en tant que régisseur…

A découvrir dans notre article  Piloter le changement : retour d’expérience de Carel Voorhuis

Par Sylvie Brasquies, publié le 23 novembre 2017
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