Neoverticales_reussir l'alchimie des générations du vin

Réussir l’alchimie entre les générations du vin

La génération Z est-elle une chance pour les vignerons?

Les jeunes Z ont presque 25 ans pour les plus âgés1. Ils arrivent sur le marché du travail. Certains rejoignent les domaines viticoles. Lorsque l’on travaille en équipe avec deux ou trois générations différentes, il faut veiller à la cohabitation ! Chaque génération a son style. Qu’apportent ces nouveaux milléniaux à l’entreprise ? Sur quelles bases construire la coopération avec leurs aînés de 10 ans ou 25 ans de plus ?

Voici quelques observations issues de ma pratique du conseil en management auprès des entreprises du vin et au contact de ces jeunes futurs chefs de d’exploitation ou responsables commerciaux et marketing lors de mes formations à l’Institut Jules Guyot ou à la Burgundy School of Wine &spirits business. 

La notion de génération représente des individus ayant un vécu commun, qui peut notamment être observé par l’âge. Côté consommation, le marketing du vin a largement scanné les premiers milléniaux dans leurs envies et leurs modes de consommation2

Au sein de la filière, les milléniaux ont d’abord pris le visage d’une tribu de joyeux geeks passionnés par le vin, devenus entrepreneurs autour de la Winetech. Désormais, les nouveaux milléniaux, la génération Z des 18- 24 ans, rejoignent les entreprises du vin pour y travailler dans les vignes, les chais, à la vente et à l’export.

Un nouveau centre de gravité pour le métier de vigneron

La jeune génération est en train d’agir sur le centre de gravité du travail. Elle s’est donnée pour priorité un meilleur équilibre de vie en refusant les mêmes rythmes de travail que ses aînés. Réussir signifie s’épanouir en combinant à la fois la sphère professionnelle et personnelle. Cette règle de vie vient interroger la notion de vocation, si chère aux vignerons. Une vocation, qui s’exerce dans le fait que l’on donne sans compter à ses vignes jusqu’à s’oublier soi-même parfois…

Travailler en brigade et avoir les manettes

On les désigne comme « digital natives », mais un point essentiel reste le besoin d’appartenir à une communauté. Les nouveaux milléniaux aiment travailler en équipe, en brigade dans laquelle les membres acceptent pleinement les règles ou bien s’en vont.

Ce qui va compter ce n’est pas le métier mais la mission qui leur est confiée au sein du domaine viticole.

Ils sont attachés à leur autonomie d’action au sein de l’entreprise : jadis les jeunes étaient là pour observer, apprendre avant d’être aux manettes… beaucoup plus tard. C’est terminé, les nouveaux milléniaux veulent agir ici et maintenant !

C’est plutôt une chance pour les entreprises du vin, à la condition de valoriser l’esprit d’équipe, de faire confiance à leur auto-organisation et de leur laisser les manettes pour certaines tâches. Tout le contraire d’un management directif avec une seule manière de voir le monde et de s’exprimer.

Le bio entre dans le socle de base des connaissances

C’est pour les jeunes d’abord un principe de vie : on constate parfois qu’il devient moins facile d’attirer des jeunes saisonniers si votre domaine ne conduit pas les vignes en bio …

C’est aussi une question d’enseignement agricole. Les futurs jeunes viticulteurs détiennent un socle de base de connaissances sur les enjeux environnementaux et sur l’agriculture biologique, que certains de leurs aînés ne se sont pas pleinement approprié.

La filière viticole bio est une filière dynamique : la production est en constante augmentation et le marché continue de se développer3. En ce sens, l’arrivée de la génération Z dans les vignobles peut contribuer à accélérer la dynamique du Bio, afin de l’intégrer dans les pratiques comme un des leviers de développement.

La prise en compte du féminin

Pour les nouveaux milléniaux, l’équité est un point fondamental. Ils sont particulièrement sensibles à toutes formes d’iniquités : dans le partage de la valeur entre agriculteurs et GD par exemple mais également dans l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Cela les touche bien davantage que leurs aînés !

Rappelons que le monde agricole vient de loin. Il aura fallu attendre la loi d’orientation agricole de 1999 pour améliorer la protection sociale des viticultrices en créant le statut de conjointe collaboratrice. Les vigneronnes, héritières, repreneuses et viticultrices ont dû batailler et apprendre à composer avec les préjugés dans un monde du vin notoirement masculin. Elles s’expriment aujourd’hui à travers leurs labels associatifs : Women Do Wine, les Fab’bulleuses en champagne, les Vinifilles en Occitanie, les Divines en Alsace, les Alenior du vin de Bordeaux… Pour autant, alors que 50 à 60% de femmes sont promues œnologues chaque année, elles ne représentent que 30% des cheffes d’exploitation et 20% des sommelières en France, selon l’étude menée en 2019 par Vin et Société.

En cela, les nouveaux milléniaux permettent d’éclairer les inégalités qui se jouent à l’intérieur des domaines viticoles. Ils contribuent à identifier des actions concrètes pour réduire les écarts entre les hommes et les femmes du vin en termes d’accès aux responsabilités, d’égalité salariale et de conciliation des temps de vie.

Favoriser une fertilisation croisée des connaissances entre les générations

La génération Z invite les vignerons à pousser les portes entrebâillées d’un plus grand respect de l’environnement et de l’égalité professionnelle. Pour autant, ce n’est pas si simple car chaque génération fonde ses réactions sur des référentiels différents. Cette situation peut amener des incompréhensions, causer des tensions, qui s’illustrent dans des conflits intergénérationnels. On perd de l’efficacité, on se démotive.

Pour réussir l’alchimie entre les générations, il convient de permettre à chaque génération de trouver sa place. L’obsolescence des compétences s’accélère. Les savoirs ne peuvent plus se transmettre de façon unilatérale des anciens vers les plus jeunes. Les nouveaux savoirs se construiront à travers un co-apprentissage entre les différentes générations.

4 actions clés pour une meilleure coopération entre les générations du vin

• mixer les équipes en vue de valoriser l’apport des uns et des autres

• développer des occasions d’échanges pour un co-apprentissage sur les thématiques environnementales

• s’entraîner au décryptage et à la compréhension de la vision de l’autre4

• utiliser les outils numériques comme fertilisation croisée des connaissances

Les plus âgés pourront expliquer le temps long de la vigne et du vin, créer les conditions d’un l’apprentissage en dehors du net, en situation terrain.

De plus, les aînés sont souvent porteurs de la mémoire collective du domaine et de l’appellation. Ils pourront témoigner de l’évolution des pratiques, partager leurs échecs et leurs réussites. C’est aussi ce qui va permettre à la jeune génération de se projeter pour réussir.

En conclusion, la génération Z est une chance pour les vignerons à la condition de ne pas chercher à leur transmettre ses propres savoirs à tout prix, mais de s’attacher davantage à inventer ensemble les nouveaux codes du vin.

  1. La génération Z dite des nouveaux millenials est née à partir de 1995. On les appelle Z parce qu’ils sont nés après les X et les Y. Les X sont nés entre 1965 et 1980. Ce sont les enfants des baby-boomers. La génération Y, dite des millenials, est née entre 1980 et 1995.

2Vin &Société. La Génération Y et le vin – Étude Ifop, 2019

3Fédération nationale d’agriculture biologique. Produire bio en viticulture, 2021

4À titre d’illustration, l’utilisation de l’outil GOLDEN® permet comprendre et d’apprécier les mécanismes de choix individuels, les besoins spécifiques et les difficultés potentielles rencontrées.

Par Sylvie Brasquies, publié le 17 juin 2021
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Young casual Businessman holding and using smartphone for sms messages, hipster man typing touchscreen cell phone in the cafe. business, lifestyle, technology and Social media network concept

Vigneron responsable : le regard d’une start up en viticulture de précision

Quand le digital contribue au développement de nouvelles compétences durables

Pour illustrer les 5 compétences durables de mon article précédent, j’ai choisi d’interviewer Benjamin Bois, le co-fondateur de DeaVerde, une start-up en agriculture de précision.

Ingénieur diplômé de Bordeaux Sciences Agro, Benjamin enseigne la viticulture à l’université de Bourgogne et mène des recherches en agro-climatologie viticole. Il a conçu avec Mario Rega l’application Notiphy.

Ce système en ligne permet au vigneron de communiquer de manière plus transparente sur les traitements phytosanitaires auprès des usagers de l’espace viticole et de limiter les expositions aux produits.

Savoir communiquer avec vos parties prenantes

Si le vigneron ne communique pas, alors il y a une perte de confiance entre les agriculteurs et les riverains. 

 « Le plus important pour nous, c’est que l’exploitant viticole puisse choisir l’information qu’il diffuse. Certains souhaitent communiquer auprès de leur personnel et d’autres de manière un peu plus large. » souligne Benjamin Bois.

« Les riverains ont peur qu’on leur cache des choses. Dans notre société, la défiance est permanente. Aujourd’hui plus que jamais, il faut avoir des outils qui permettent d’être transparent. »

Selon lui, cette transparence ne doit pas se faire à tout prix. Elle doit s’accompagner d’une information qui est maitrisée. Dans le cas contraire, elle peut donner lieu à des mauvaises interprétations.

 « Au départ l’exploitant a une démarche volontaire. Ce qui est important pour la communication, c’est qu’il va rencontrer les riverains uns après les autres, échanger avec eux pour leur expliquer pourquoi c’est nécessaire de traiter. »

Le système Notiphy permet ensuite de diffuser de l’information en temps réel. Ces informations peuvent être transmises par mail ou par SMS. Lorsqu’un traitement est annulé, le vigneron n’est plus contraint d’envoyer de nouveau un SMS pour indiquer que cette parcelle ne sera pas traitée. La solution logicielle permet d’automatiser cela.

Adopter les bons gestes numériques

L’utilisation d’un smartphone dans les vignes constitue un changement d’habitude pour les vignerons.

La start up Deaverde a d’abord conçu une Notiphy Box, composée d’un boitier lumineux émettant un signal tant que la réentrée n’a pas expiré. « Cela s’adresse à ceux qui vont pénétrer dans la parcelle la plupart du temps. On sécurise les ouvriers et les chefs d’exploitations ».

Daeverde a également développé le système Notiphy pour prévenir les gens à distance et de manière anticipée. 

« Il joue le rôle de la box mais dématérialisé. Le système en ligne prévient le destinataire en amont que l’on va traiter telle parcelle et de la date de retour possible. »

Pour que le système Notiphy fonctionne, il faut que le tractoriste joue le jeu. Il doit prévenir en temps réel depuis son smartphone que le traitement est en cours ou bien qu’il a terminé.

Agir de façon responsable

L’émergence de maladies liées à l’utilisation de produits sanitaires parmi les ouvriers ou bien les conseillers viticoles va générer de plus en plus de contentieux dans le monde viti-vinicole.

 « La MSA voit notre innovation d’un très bon œil avec un retour très positif, » souligne Benjamin Bois. « Même si les consultants et les exploitants essaient de limiter les intrants, cela reste difficile. Je ne vois pas apparaitre les variétés de vigne résistantes d’ici 5 ans ou 10 ans… et donc on aura encore besoin d’épandre des produits phyto et puis d’intervenir dans les vignes. Il est essentiel de prévenir et de communiquer sur ces activités… 

Le vigneron qui prend la décision d’équiper et de sécuriser ses parcelles est en avance sur son temps. Il est soucieux du bienêtre de tous les gens qui sont dans l’espace rural. 

En conclusion, la viticulture connectée est un levier précieux pour engager son domaine dans le développement durable. Une innovation comme Notiphy permet à chaque vigneron d’agir sur la santé de chacun et facilite le dialogue avec les parties prenantes.

Renouer avec la confiance des consommateurs et des citoyens est l’un des nouveaux défis du vigneron du XXIe siècle.

Par Sylvie Brasquies, publié le 12 Décembre 2019
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jeune viticulteur

Cinq compétences durables pour entrer dans la viticulture du XXIe siècle

Le développement durable change la donne pour le vigneron

Les vignerons en sont conscients : ils vont devoir s’adapter au dérèglement climatique, modifier leurs pratiques viticoles en questionnant l’impact sur la biodiversité, la protection phytosanitaire, la fertilisation et la gestion de l’eau.  C’est un passage obligé. De nombreux domaines viticoles l’ont compris et s’engagent dans des démarches environnementales (HVE, Terras Vitis, Bio etc…)

Le développement durable change la donne pour le vigneron. Cela implique une autre façon de penser la qualité de son vin, de conduire son vignoble, de valoriser sa production et de gérer son domaine. Comment les vignerons peuvent-ils s’y préparer ? Existe-t-il des leviers au niveau individuel pour réussir ?

S’engager dans le développement durable, c’est avant tout une démarche volontaire. Il faut avoir envie d’y aller. Se former à un référentiel, maîtriser les normes réglementaires et les bonnes pratiques environnementales pour son domaine, c’est essentiel.

Pour passer à l’action, le vigneron devra mettre en œuvre de nouvelles compétences durables : un comportement responsable, une capacité de dialogue, la volonté d’associer son équipe dans un esprit collectif, la remise en cause de son organisation pour la faire évoluer et la recherche constante de nouveaux procédés innovants.

C’est en quelque sorte son carnet de route individuel pour transformer de grandes intentions en pratiques opérationnelles et entrer dans la viticulture du 21e siècle !

Agir de façon responsable

Aujourd’hui, sous la pression des consomm’acteurs, on ne demande plus seulement au vigneron de produire un vin de qualité, mais on attend désormais de lui un comportement responsable.

Un comportement responsable n’a rien d’évident. Cela implique une autre façon de prendre ses décisions, en intégrant l’impact de ses actions sur les autres. Quelle est la conséquence de mon action pour la santé de mes salariés, pour mes voisins, sur l’environnement ?

Envoyer un mail ou un SMS 48h avant un traitement au personnel, aux prestataires susceptibles d’intervenir au vignoble ou bien encore à ses voisins, c’est un comportement responsable. A long terme, le vigneron y gagne en motivation, en image et en crédibilité.

Communiquer avec TOUTES vos parties prenantes

Jusqu’ici le vigneron prenait en compte l’avis de ses clients directs, des acheteurs (CHR,GD) des prescripteurs, des bloggeurs… Aujourd’hui, pour faire du vin, il devient nécessaire d’associer de nouveaux acteurs : les fournisseurs de bouteilles, de matières sèches… les riverains, les mairies, les intercommunalités, les offices de tourisme etc.

L’organisation de journées découvertes ou de de repas lors des vendanges est l’opportunité de créer un dialogue avec chacune de vos parties prenantes, d’identifier les sujets qui ont du sens pour elles.

Développer un style de management plus participatif

Le vigneron engagé dans une démarche durable doit réussir à embarquer toute son équipe et la responsabiliser. C’est la consulter avant de décider. C’est s’appuyer sur les idées et les suggestions de chacun pour mieux les associer à la démarche. C’est adopter un style de management plus participatif et accepter de déléguer davantage.

Associer le personnel administratif et le service client à des moments clés de la vie du domaine pendant la taille ou bien lors de la dégustation d’un vin permet d’insuffler de nouvelles idées et de favoriser la collaboration entre tous.

Savoir se réorganiser

Le vigneron doit être mesure de se réorganiser en permanence, de repenser ses processus, de changer les pratiques : isoler les chais, refaire les revêtements de sols, mettre en place une station d’épuration, mieux gérer le lavage des tracteurs, l’évacuation des déchets etc.

Au niveau humain, ce changement d’organisation peut amener à faire bouger les gens dans l’entreprise, à faire évoluer leur rôle et leurs responsabilités.

Adopter les bons gestes numériques

Depuis ces cinq dernières années, les innovations technologiques foisonnent dans le domaine viti-vinicole afin de diminuer la pénibilité des taches et de réduire les impacts de la production viti-viticole sur l’environnement. Elles ont en commun de s’appuyer sur des équipements connectés et des applications numériques.

En ce sens, même si c’est l’observation parcellaire qui guide d’abord le vigneron, il doit s’appuyer sur les bons gestes numériques pour conduire son vignoble : utiliser son smartphone dans les vignes, consulter des tableaux de bord pour prendre les bonnes décisions.

En conclusion, engager son domaine dans une démarche durable, c’est un peu comme jeter un pont de corde pour atteindre l’autre rive. Et c’est bien désormais à chaque vigneron de savoir le franchir en développant de nouvelles compétences durables. C’est entrer dans la viticulture du 21e siècle.

Par Sylvie Brasquies, publié le 12 Décembre 2019
Tous droits réservés©

 

vendanges à la main

Conversion Bio : aider votre équipe à vivre la transition

Passer en Bio, c’est aussi un acte de management

Comment permettre à chacun de devenir acteur de cette transition?

Convertir son vignoble en viticulture biologique, c’est avant tout une décision de management pour engager son domaine vers une viticulture plus respectueuse de l’environnement. Les responsables du domaine mettent parfois beaucoup d’énergie à communiquer auprès de leurs équipes, sans toujours permettre à chacun de devenir acteur dans l’évolution de son métier.

Passer en Bio, c’est d’abord abandonner

L’engagement et l’esprit de persuasion du responsable de domaine ne suffisent pas toujours à lever tous les obstacles, lorsqu’on touche à l’organisation, aux pratiques de travail ou bien encore aux croyances. Certains ouvriers viticoles ou saisonniers évoquent le fait de ne pas être ‘’très partant’’ pour travailler en bio. Les arguments fusent : « Je ne suis pas convaincu que cela apporte quelque chose au vin… c’est pire pour les sols avec le cuivre… »

La véritable question de fond s’avère souvent en réalité : « Comment ne pas perdre mon savoir-faire, si l’on remet en cause les pratiques culturales telles qu’elles existent aujourd’hui ? Quels efforts cela va-t-il me demander en plus de mon travail habituel ? »

Pour aider son équipe à vivre cette transition, le responsable de domaine doit s’attacher à travailler trois points prioritaires :
  1. acter la fin des anciennes pratiques 
  2. travailler à construire de nouveaux repères 
  3. montrer le chemin parcouru

Démarrer le Bio du bon côté !

Beaucoup de changements échouent car on démarre par ce qu’ils ont de nouveau : les nouvelles pratiques culturales d’entretien du sol ou de fertilisation, le nouveau matériel, la nouvelle répartition du travail, etc.

Au lieu de démarrer par ce qui est nouveau, il faut d’abord acter la fin des anciennes pratiques et des anciennes logiques, notamment en matière de protection phytosanitaire : quels sont les tâches et les réflexes que nous devons arrêter ? Et pourquoi ?

Dans une seconde étape, le responsable de domaine doit s’attacher à construire de nouveaux repères avec son équipe. C’est une phase de transition un peu incertaine, dans laquelle l’équipe viticole et l’organisation du domaine peuvent être amenées à flotter un peu. Rien d’anormal ! Le travail dans les vignes n’est pas radicalement différent mais il y a une charge de travail plus importante, ce qui veut dire aussi mettre en place une organisation plus pointue.

Durant cette phase, l’équipe viticole a perdu ses anciens repères mais n’en a pas encore construit de nouveaux.

En viticulture biologique, la réactivité est importante car les fenêtres d’intervention sont courtes pour les traitements, l’agronomie ou la prophylaxie.

Plus l’équipe contribue à définir ces nouvelles pratiques, mieux la phase de conversion se déroule. À quoi veut-on que ressemblent le vignoble et le domaine demain ? Quand souhaite-t-on y arriver ? Que fera-t-on que l’on ne fait pas aujourd’hui ? Qu’est-ce que l’on ne fera plus ? Quels chantiers ou projets doit-on lancer pour y arriver à la date souhaitée ?

Enfin, il est important de marquer le nouveau départ puis de montrer le chemin parcouru.

Une façon simple de le faire est de réaliser son propre bilan avec l’équipe, en étudiant de manière comparative ce qui a changé dans les parcelles non traitées.

Donner du temps à votre équipe

Au démarrage de tout changement, on n’a pas encore complétement délaissé les anciennes tâches que l’on ne fera plus, mais on est déjà amené à prendre progressivement en charge de nouvelles tâches. Cette phase peut être à l’origine de tensions importantes au sein de l’équipe et mettre le manager en difficulté. S’ouvrir à d’autres pratiques, se montrer curieux, acquérir de nouveaux gestes nécessitent également de la disponibilité et du temps.

Le responsable de domaine doit se montrer rigoureux dans la gestion des priorités au début de tout changement et intégrer un temps d’apprentissage dans le planning de travail de son équipe.

Il doit explicitement préciser les nouvelles priorités, encourager son équipe à prendre le temps de réfléchir à ce qui est attendu de chacun : « Cette semaine, au lieu de donner un coup de main à la cave, tu prends deux heures, tu te poses et tu prends le temps d’essayer le nouvel intercep à lames sur le haut de la parcelle. »

Quels outils de management mettre en oeuvre pour passer en Bio?

La boîte à viti’ , ce sont des outils de management concrets destinés aux vignerons et aux managers de domaines pour les aider dans l’organisation et le développement de leur équipe.

Je vous propose la méthode suivante, à partager sans modération avec votre équipe viti.

Organiser un temps d’échange avec votre équipe.

Demander à chacun de réfléchir à l’évolution de son métier et de ses pratiques hier, aujourd’hui et demain :

– les tâches qu’il abandonne ;

– les anciennes tâches qu’il va continuer à assurer ;

– les nouvelles tâches qu’il doit prendre en charge ;

– les tâches pour lesquelles il se pose des questions.

L’objectif est d’acter d’un état de fait et de permettre à l’équipe de construire ses nouveaux repères. Pour cela, il est important que chacun puisse visualiser ses anciennes et ses nouvelles tâches.

C’est l’opportunité d’échanger sur la représentation que chacun a du bio et de mettre à jour les malentendus : en viticulture biologique, les ouvriers viticoles ont globalement un environnement de travail plus sain. Ils ont des vignes moins vigoureuses. Cela implique des bois moins gros à tailler. Et même lorsque l’on dispose d’un sécateur électrique, cela veut dire potentiellement moins de TMS, mais aussi moins d’ébourgeonnage…
C’est également l’occasion d’ajuster la répartition des nouvelles tâches au sein de l’équipe viti.

En conclusion, pour le vigneron ou le responsable de domaine, l’enjeu est de donner du sens à la démarche de conversion.

Échanger concrètement sur l’évolution de leur métier et des tâches qu’ils doivent effectuer est un levier efficace pour accélérer la transition des membres de l’équipe.

En donnant une vision claire de ce qui s’arrête, se poursuit et va commencer, chacun devient acteur dans l’évolution de son rôle et de ses responsabilités.

Par Sylvie Brasquies, publié le 14 Février 2019
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troc wine 3

Et si vignerons et start-up du vin troquaient leurs bonnes idées?

Ces start-up du vin foisonnent d’idées

Dans la filière vin, nous savons reconnaître les bienfaits de la biodiversité.

Désormais, il existe deux types de pépinières : celles qui travaillent pour les vignerons, en assemblant greffons et porte-greffes et de nouvelles pépinières digitales, à l’instar de la »WineTech », qui développent applications mobiles, plateformes ou services en ligne.

Ces start-up du vin foisonnent d’idées. Elles peuvent se révéler être de précieux « éclaireurs », aux côtés des vignerons et de la filière, à condition de suivre leurs pistes…

Acquérir de nouveaux réflexes dans sa relation avec les clients

Pour assurer le développement économique de son exploitation, le vigneron devra davantage se positionner dans une logique de services que de production. C’est déjà le cas aujourd’hui avec le développement d’ateliers de dégustation ou de l’œnotourisme.

Pour concevoir ces nouveaux services, il lui faudra co-construire son offre avec des clients et être attentif à ce qui se passe au sein des communautés. Les start-up du vin peuvent accompagner les vignerons dans l’observation, le décryptage de ces mêmes communautés pour identifier les nouveaux besoins.

Rencontrer Arthur, Vincent, Thomas, Clémence et les autres … la pépinière Wine Tech

Pour essayer de mieux comprendre concrètement quel intérêt aurait un producteur de vin à se rapprocher de la WineTech, je suis allée à la rencontre de l’un de ses représentants Arthur Tutin, le fondateur de TrocWine.

La première chose qui m’a frappée, c’est que ce jeune entrepreneur expérimenté, qui n’est pas issu du monde du vin, partage au moins trois traits de personnalité avec les vignerons : la passion de son métier, un grand sens de l’observation et un fort engagement personnel.
TrocWine est le premier site non marchand d’échange de vins et spiritueux entre particuliers. Arthur Tutin a été l’un des pionniers pour développer un modèle d’affaires axé sur la consommation collaborative, pour le secteur du vin.

»Aujourd’hui, la plus grande communauté de troqueurs de vins se trouve à Bordeaux. C’est également la première ville en matière de consommation collaborative. La plateforme met en relation des troqueurs de vins et spiritueux à travers toute la France », précise Arthur Tutin.

Être curieux, se projeter sur de nouveaux usages

La consommation collaborative bouscule le modèle traditionnel en changeant non pas ce que les gens consomment mais la manière dont ils consomment. Le troc n’est certes pas nouveau.

Ce qui est nouveau, c’est que le numérique permet de le faire à une tout autre échelle : le 20 juin prochain, TrocWine va mettre sur sa plateforme un lot de 200 000 euros de grands crus et flacons rares pour le proposer à l’échange !

Comprendre les motivations de ces nouveaux consommateurs collaboratifs

Dans le modèle de consommation collaborative, le plaisir de l’amateur de vin peut être augmenté par le partage, l’échange et le troc de celui-ci.

»TrocWine est un site passion, poursuit Arthur Tutin. Lorsque l’on possède une cave, on prend le temps de troquer ses bouteilles, tard le soir ou le week end. La majeure partie des troqueurs ont des grands crus qu’ils n’osent pas ouvrir. Ce sont souvent des néophytes qui préfèrent échanger leurs bouteilles plutôt que de ne pas être en mesure de les conserver ou de les boire dans de bonnes conditions. Il y a aussi les collectionneurs qui préfèrent mettre à l’échange une ou deux bouteilles prestigieuses pour faire une proposition de poids. Le troc, c’est un jeu. Un peu comme avec les Pokemon : tu sors une carte très très forte pour faire un contrepoids à l’échange. »

Lorsqu’ Arthur a réfléchi au développement de sa start-up, il a d’abord recueilli l’avis des membres de TrocWine : ‘‘La communauté Troc Wine a retenu l’idée d’une Troc Party pour faire se rencontrer la communauté des troqueurs. L’objectif est de parvenir à organiser une Troc Party par mois. À terme, chaque membre pourra organiser sa propre Troc Party. Chaque troqueur va ainsi pouvoir découvrir de nouvelles appellations, de nouveaux cépages ou bien enrichir sa collection. »

Partager les codes de la culture digitale

« Pour moi, le vin a un nouveau terroir, celui du numérique. Depuis sa création, nous allons de surprises en surprises avec TrocWine, j’aimerais beaucoup que les vignerons et cavistes soient l’une d’entre elles en 2017 ! »

Les start-ups du vin s’inscrivent naturellement dans un mode de partage. Le collectif les motive et représente un lieu d’apprentissage. En observant ces nouveaux usages, qui sont en plein essor depuis 2007, le vigneron pourra dynamiser sa gamme, développer de nouveaux services, recruter et fidéliser de nouveaux clients.

En conclusion, lorsque les vignerons et start-up du vin se mettront à troquer leurs bonnes idées, à n’en pas douter, la filière renforcera son attractivité ainsi que son rayonnement à l’international.

Par Sylvie Brasquies, publié le 10 Novembre 2017
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S'installer en viticuluture

S’installer en viticulture

Neoverticales participera à la conférence organisée par Vitisphère au SITEVI 2017 à Montpellier, sur le thème de l’installation, le Mercredi 29 novembre de 11h30 à 13h – Salle B.

Le désir de s’installer s’exprime fortement par l’envie d’assouvir une passion ou de poursuivre la réalisation familiale. Sylvie Brasquies apportera un éclairage sur le talent vigneron et les ressorts humains de la réussite.

S’installer en viticulture : connaissez-vous les risques et les facteurs clés de succès ?
« S’installer en viticulture : c’est le projet d’une vie et souvent la concrétisation d’une passion. Mais certains s’y cassent les dents. En compagnie de professionnels de l’immobiliers viticoles et d’experts comptables, juridiques, et des ressources humaines, la conférence balaiera les problèmes rencontrés et les moyens d’éviter les embûches. De quoi débuter le plus beau du monde avec toutes les clés en main ! »

Animateur: Marion Sipeau Ivaldi, rédactrice en chef de Vitisphère (Montpellier)
Intervenants: Sylvie Brasquies (Neoverticales), Me Eric Nahmé, Jurisvin, Michel Veyrier (Vinea Transaction)

Carel Voorhuis - Champagnist.nl

Piloter le changement : retour d’expérience de Carel Voorhuis

Convertir son vignoble en biodynamie est un vrai projet de changement

Pour illustrer les 6 points prioritaires de mon article précédent à propos du passage en biodynamie, j’ai choisi d’interviewer Carel Voorhuis, l’ancien régisseur du Domaine d’Ardhuy à Corgoloin en Bourgogne. Il a vinifié un large éventail de crus en viticulture raisonnée avant de conduire le domaine avec succès jusqu’à la certification en biodynamie en 2012. Après 14 ans passés au Domaine d’Ardhuy, Carel vient de rejoindre la Maison Camille Giroud en tant que régisseur.

1-Anticiper les changements techniques en amont du projet de conversion

Pour Carel, l’un des points clés est l’anticipation : « Avant même de pratiquer les premiers essais en bio, le choix d’une stratégie de qualité conduit à intensifier les labours, à réduire les doses de désherbage pour s’orienter vers du désherbage d’appoint, à arrêter la fertilisation chimique pour se contenter de traiter les carences s’il y en a.  »

Ces changements de techniques doivent être mis en œuvre bien en amont du projet de conversion.

2-Bien communiquer auprès de son équipe ce qui va changer

La conversion en viticulture biologique est une décision qui va provoquer d’importantes modifications au niveau de l’organisation pour les ouvriers viticoles au niveau des méthodes et matériels utilisés. Il est important d’expliquer ce qui va changer pour eux.

‘’En viticulture bio, les ouvriers viticoles ont globalement un environnement de travail plus sain. Ils ont des vignes moins vigoureuses. Cela implique des bois moins gros à tailler. Et même lorsqu’on a un sécateur électrique, cela veut dire potentiellement moins de TMS, mais aussi moins d’ébourgeonnage, moins de pampres en surnuméraire…

Globalement, si on fait un sondage, il n’y en a pas beaucoup qui retournerait en arrière.

3- Mettre en place une nouvelle organisation pour gérer l’augmentation de la charge de travail

Lorsque le Domaine d’Ardhuy était en lutte raisonnée, il utilisait deux tracteurs enjambeurs et deux tractoristes pour travailler ses 40 hectares. Aujourd’hui il y a cinq tractoristes, qui font beaucoup d’heures supplémentaires : « En saison, il faut traiter quasiment toutes les semaines alors qu’avant avec des pénétrants ou des systémiques on pouvait tirer 12 à 14 jours. »

Le travail dans les vignes n’est pas radicalement différent mais il y a eu une charge de travail beaucoup plus importante, ce qui veut dire une organisation plus pointue à avoir…

4-Faire des essais et apprendre de ses erreurs

Afin de s’assurer que l’orientation que l’on veut prendre est la bonne pour son vignoble, il faut d’abord faire quelques essais en viticulture biologique et de contourner certains écueils techniques.

Pour moi, le principal écueil de la bio et de la biodynamie, c’était le cuivre.

« Quand on a fait nos tests en bio, on a commencé à valider avec nos propres expériences, ce que l’on nous disait en biodynamie mais qu’à la base j’avais du mal à croire : avec des traitements à des doses très faibles de l’ordre de 200 g de cuivre métal par hectare, cela permettait de tenir, en renouvelant quand c’était lessivé. »

On a vu que ça marchait parfaitement bien et on a décidé de faire la conversion.

5-Gérer sa motivation tout au long du processus pour dépasser les étapes difficiles

La période de conversion est de trois ans pour obtenir la certification. D’un point de vue technique, le vigneron traverse des étapes de frustration et de doute : « 2012 a été une année très compliquée avec du mildiou sur grappes et on a perdu pas mal de récolte et il se mettait à pleuvoir aux périodes où on faisait un traitement… »

On savait très bien que nos cuivres étaient lessivés, qu’on allait avoir des contaminations mais on était impuissants.

Finalement, malgré la prise de risque que cela comportait, le domaine d’Ardhuy a décidé de rester en biodynamie et de tenir bon.

6-Mener le changement jusqu’aux circuits de distribution

L’obtention d’une certification marque un nouveau départ pour le vigneron. Le passage en biodynamie s’accompagne également d’une évolution de la politique commerciale pour assurer la rentabilité de son domaine. Il s’agit de cibler un nouveau panel de distribution pour accéder à une clientèle haut de gamme au détriment de marchés moins rémunérateurs.

Le passage à la biodynamie est un projet de changement profond dont on ne peut pas sous-estimer les aspects humains : on introduit de nouvelles valeurs à partager, on touche aux habitudes de travail de chacun. La phase la plus critique est celle où le vigneron vit des moments de doute et de remise en question. Il s’agit d’une étape forte où le vigneron « désapprend » pour mieux s’engager vers de nouvelles habitudes de travail.

En conclusion, le passage en biodynamie nécessite de nouvelles capacités techniques et commerciales et exige de grandes qualités humaines pour entreprendre un nouveau départ pour soi et son vignoble.

Par Sylvie Brasquies, publié le 23 novembre 2017
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silhouette de montgolfire au soleil couchant

Passage en biodynamie : les 6 points prioritaires

Convertir son vignoble en biodynamie est un vrai projet de changement

C’est souvent par conviction que le vigneron cherche à redonner à la plante et au sol un équilibre, une vitalité déréglée par des traitements chimiques à répétition.

Il devra prendre de la hauteur, gérer sa motivation et mobiliser de nombreuses ressources personnelles face aux difficultés qui se présenteront à lui tout au long de ce projet.

Pourtant, le choix de réorienter son vignoble en biodynamie n’est pas une décision facile à prendre. C’est un choix risqué, qui nécessite une adaptation de son matériel, de son organisation de travail ainsi que des compétences particulières pour les préparations biodynamiques.

C’est rentrer dans une nouvelle logique de production pour s’orienter vers une stratégie plus qualitative qui dynamise la plante et son environnement.

C’est construire une nouvelle politique commerciale auprès des circuits de distribution spécialisés pour accéder à de nouveaux marchés à plus forte valeur ajoutée.

C’est finalement un changement qui touche les habitudes de travail du vigneron. Il peut être amené à traverser différentes étapes personnelles : entre la frustration, le doute, la remise en question mais aussi la surprise et la joie qui accompagnent la découverte et l’apprentissage de nouvelles façons de faire.

Convertir son vignoble en biodynamie nécessite de nouvelles capacités techniques et commerciales mais aussi la capacité humaine à piloter ce changement.

Parmi les points prioritaires à examiner pour le vigneron :

  1. anticiper les changements techniques en amont du projet de conversion ;
  2. mettre en place une nouvelle organisation pour gérer l’augmentation de la charge de travail ;
  3. bien communiquer auprès de son équipe ce qui va changer ;
  4. faire des essais et apprendre de ses erreurs ;
  5. gérer sa motivation tout au long du processus pour dépasser les étapes difficiles ;
  6. mener le changement jusqu’aux circuits de distribution.

Pour illustrer les 6 points prioritaires, j’ai choisi d’interviewer Carel Voorhuis, l’ancien régisseur du Domaine d’Ardhuy à Corgoloin en Bourgogne.

Il a vinifié un large éventail de crus en viticulture raisonnée avant de conduire avec succès la certification du domaine en biodynamie en 2012. Après 14 ans passés au Domaine d’Ardhuy, Carel vient de rejoindre la Maison Camille Giroud en tant que régisseur…

A découvrir dans notre article  Piloter le changement : retour d’expérience de Carel Voorhuis

Par Sylvie Brasquies, publié le 23 novembre 2017
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revolution

Vignerons : entreprendre votre conversion 2.0

Le vigneron aime par-dessus tout cette connexion avec la terre, ses vignes et son vin. C’est sa passion. Il lui arrive de « délaisser » la partie commercialisation, et de se priver d’une autre connexion toute aussi cruciale, la connexion avec les consommateurs.

Certains vignerons se sentent peu concernés par le « digital » : au-delà du manque de connaissance ou de temps pour ces nouveaux outils numériques, ils n’en perçoivent pas les opportunités pour leur métier de vigneron.

D’aucuns tentent leur première « expérience digitale » pour se rendre plus visibles pendant que d’autres ont déjà entrepris la recherche de nouveaux clients via les réseaux sociaux.

Savoir manipuler les outils numériques deviendra crucial pour développer son domaine


Les réseaux sociaux permettent, avec d’autres outils numériques (vente en ligne, plateformes d’achats groupés), de se rapprocher des consommateurs. C’est l’opportunité pour le vigneron de redonner sa dimension humaine à une transaction marchande et de « cultiver » son lien avec le consommateur. Le vigneron peut, à travers la description de son quotidien et de ses méthodes de travail, développer l’intérêt des consommateurs sur la façon dont le vin est produit, faire la promotion d’un label ou d’une certification qu’il a mis des années à obtenir… et surtout se différencier en exprimant sa vision et ses valeurs pour son vin. Les vignerons qui ont réussi à imposer leurs vins sur les marchés, ont entrepris cette conversion 2.01 auprès des consommateurs.

Les 5 points clés pour réussir sa conversion 2.0


1. Prendre conscience du profond changement dans les pratiques de consommation
2. Organiser son métier de vigneron pour répondre à ces nouvelles attentes
3. Se former aux nouvelles pratiques digitales
4. Expérimenter sa propre stratégie digitale
5. S’intéresser à ce que font les start-up du vin

1. Prendre conscience du profond changement dans les pratiques de consommation

Réduire le numérique à un ensemble d’outils qu’il faudrait maîtriser, conduirait à ignorer l’importance du changement en cours. Si le vigneron est déjà entré dans l’ère du numérique avec la viticulture de précision (GPS, capteurs et autres drones…), il lui faut désormais vendre du vin dans ‘’la civilisation numérique’’. . Et cela, c’est une autre histoire… Pour s’engager dans cette voie, il faut comprendre les nouvelles règles du jeu.

Le numérique n’est pas qu’un ensemble d’outils car il vient modifier les pratiques de consommation de vin


La probabilité que Parker connaisse mes gouts est très faible. En revanche, une application mobile comme Vivino va m’indiquer que 10 000 personnes ont aimé tel vin et la probabilité que ce vin me plaise devient plus importante. 

Lorsqu’un consommateur vient « tweeter » à propos d’une dégustation ou d’un domaine, il permet à des consommateurs qui ne se trouvent pas à cet événement d’être informés, mais surtout de s’exprimer à ce sujet.

Pour gagner de nouveaux débouchés, il faudra gagner de nouveaux territoires, ceux du numérique.

Avec l’explosion des réseaux sociaux, le consommateur de vin a de nouveaux critères de décision pour acheter du vin. Ils utilisent davantage les recommandations de la masse de ses semblables qui ont déjà dégusté tel vin plutôt que de se référer à des experts. Le baromètre Gallo 2016 sur la consommation de vins des français indique que lors de l’acte d’achat, 58 % des consommateurs font d’abord un choix raisonné en s’appuyant sur l’avis de leur entourage. Chez les jeunes de 18-25 ans, cette tendance est encore plus marquée, à 67 %. Le numérique devient un outil majeur dans la construction de la relation avec le consommateur. Le vigneron devra être en mesure de communiquer sur les réseaux sociaux en même temps qu’il continuera à aller sur les Salons et à faire des concours pour promouvoir ses vins.

2- Organiser son métier de vigneron pour répondre à ces nouvelles attentes


Le vigneron doit se montrer pragmatique en matière de communication digitale pour intégrer cette activité dans la gestion quotidienne de son domaine viticole. Face au défi numérique, le vigneron doit être en mesure d’organiser cette nouvelle composante de son métier. Pour créer une page Facebook, un compte Twitter, une chaîne Youtube ou un blog, il peut développer ses propres connaissances, ou s’appuyer sur un expert externe en communication digitale, comme il le fait fréquemment avec un œnologue conseil ou un expert-comptable.

3- Se former aux nouvelles pratiques digitales


Auparavant, il fallait être un expert pour « s’exercer au digital ». Aujourd’hui, avec un smartphone et les réseaux sociaux, chaque vigneron devient un média, qui relaye des informations et des contenus. Pour réussir sa conversion 2.0, le vigneron doit néanmoins apprendre de nouveaux types de communication et analyser différemment ses données consommateurs. Pour y parvenir, il faut comprendre les nouveaux codes culturels propres au numérique et se former aux réseaux sociaux (via les chambres d’agriculture, les organisations professionnelles…).

Les 3 compétences numériques à acquérir pour le vigneron


1. Savoir travailler avec des « communautés d’internautes » : consulter leur avis, partager des informations pratiques, etc. Passer d’une logique de « fichier » ou de « base clients » à une logique de « partage et d’échange » via les réseaux sociaux.
2. Savoir générer du contenu numérique auprès des différents réseaux sociaux, en cohérence avec ses valeurs et la vision que l’on a pour son domaine et pour ses vins.
3. Être capable d’étudier les nouvelles possibilités offertes par le numérique dans ses choix de distribution et de développement.

4- Expérimenter sa propre stratégie digitale


Comme dans les vignes, le vigneron a la possibilité avec les réseaux sociaux d’expérimenter de nouvelles façons de faire. De la même façon, le vigneron se retrouve sur les réseaux sociaux avec des paramètres qu’il peut contrôler et d’autres qui ne dépendent pas de lui. L’expérimentation est encore le meilleur moyen d’avancer. Chaque vigneron a largement de quoi alimenter son site Internet, sa chaîne Youtube ou son compte Linkedin, en parlant de son domaine, en montrant son terroir, les beaux gestes à la vigne et dans les chais, en racontant des temps forts pour faire son vin, en évoquant ses médailles… Il doit ensuite diffuser ces informations multimédia via Twitter et Facebook et échanger directement avec les internautes, les encourager à venir visiter son domaine, leur permettre de commenter ses propres contenus et d’en publier eux-mêmes… Enfin, il est important d’organiser une alerte Google pour identifier les flux où on est mentionné… et de mesurer les résultats obtenus!

Dans l’ère du numérique, le consommateur devient partie prenante de la chaîne de valeur : tester et apprendre avec ses clients permet de repérer les bonnes communautés sur les réseaux sociaux, dans un esprit de collaboration, à condition de bien comprendre le positionnement de chaque réseau, dont voici un exemple :

5- S’intéresser à ce que font les start-up du vin


Les starts-up du vin produisent les outils et les services de demain. Vivino, Goot, Wine Advisor, Geovina, Vinexplore… proposent des appli mobiles pour les amateurs de vin. Les Grappes, Trocwine, Vinoga, Winerepublik, Wine tour booking… sont autant de nouvelles plateformes Web d’achats groupés ou d’échanges…

Les start-up du vin savent repérer des communautés. Elles ont analysé et imaginé de nouveaux usages pour les consommateurs, l’achat, le service, etc. Elles privilégient les usages aux processus. Comment on consomme du vin aujourd’hui ? C’est ce qui les rend complémentaires des vignerons. Ces start-up pensent de nouveaux usages que permet le numérique : les applications mobiles, la géolocalisation, la plateforme, les recommandations, etc. pour mieux développer les ventes de vin. Coté vigneron, ces solutions permettent donc un gain de temps pour toucher de nouveaux clients.

Hier, le vigneron pouvait réussir avec les seuls circuits traditionnels. Demain, il pourra s’appuyer sur des partenariats avec des start-up, qui trouveront de nouveaux usages et donc de nouveaux débouchés pour les vignerons. Ces derniers ont tout intérêt à effectuer une veille sur les innovations produites par ces Start up du vin.

Le vigneron a parfois une certaine défiance vis-à-vis des outils numériques. Des freins qui reposent soit sur la méconnaissance des outils ou sur leur retour sur investissement au regard du temps consacré.

Pour lever ces freins, le vigneron doit adopter une nouvelle posture : s’ouvrir au changement et entreprendre de nouvelles activités grâce à ces outils numériques. La communication digitale permet de réinventer une forme de proximité avec ceux qui aiment son vin. C’est encore par le chemin de l’expérimentation que le vigneron parviendra à gagner de nouveaux territoires, ceux du numérique.
Par Sylvie Brasquies, publié le 04 Octobre 2016
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David Lefort 2016

Kairos ou le talent de l’alchimiste

Transformer la réalité banale de grains de raisins en un vin qui se révèle parfois exceptionnel, voilà qui relève de l’alchimie. Le talent de l’alchimiste, c’est vivre au plus près de ce qui est en transformation : la terre, la vigne, la plante, le raisin, le vin. Ce talent n’est pas un don, il se développe. 

Il existe bien des manières d’acquérir des compétences en viticulture et en œnologie. Mais le talent est bien le fruit d’un long processus d’entrainement personnel.

Les points clés pour développer son talent d’alchimiste

  1. Travailler son sens de l’observation, sa sensibilité au terroir pour comprendre en détail les interactions entre le sol, le climat et la plante.
  2. Prendre du recul sur son travail quotidien et conserver une vue d’ensemble pour opérer les bons choix dans les vignes, en matière de vinification et d’élevage.
  3. Expérimenter de nouvelles façons de faire et se donner du temps pour les évaluer.
  4. Produire un vin en accord avec ses valeurs et ses convictions personnelles.

Pour illustrer ce talent, nous avons choisi d’interviewer un néo-vigneron dans une région viticole, où le rôle du vigneron est intimement lié au terroir : la Bourgogne.

David Lefort a racheté la maison et la cave d’un ancien vigneron de Rully en 2012. Depuis 2010, le domaine Lefort exploite deux hectares de mercurey 1er cru et trois hectares en appellation rully depuis 2013.

Ce jeune vigneron s’est appuyé sur un parcours original pour tracer une voie qui lui est personnelle : exploiter ses parcelles en viticulture biologique. David n’avait pas d’héritage viticole. Pourtant, il est parvenu à s’installer, à remettre en état ses parcelles, à doubler sa capacité de production de 4 000 à 9 000 bouteilles, à s’imposer auprès du réseau CHR et à faire de son mercurey 1er cru Castille, un vin signature auprès de grandes tables étoilées ou prestigieuses. En un mot, il est  »Certifié Talent ».

On ne naît pas alchimiste, on le devient

Le savoir-faire parfaitement maîtrisé de David Lefort pour vinifier ses parcelles de mercurey 1er cru, est le fruit d’un long processus d’entraînement personnel.

Depuis longtemps, David Lefort aime la nature, le concret, les choses qu’il peut manipuler et faire fonctionner. Il voulait devenir médecin et a d’abord étudié la philosophie des sciences et l’éthique médicale à la Sorbonne, avant de réaliser un master professionnel « vigne, vin, terroir » à l’université de Bourgogne. Son stage d’études sur les paramètres physiques et biologiques du Clos de Tart a été déterminant dans le développement de sa compréhension des interactions entre le sol, le climat et la plante.

De la même façon, son expérience en parallèle de ses études, en tant que saisonnier au domaine Lorenzon à Mercurey, lui a permis de développer son autonomie pour rentrer une vendange, la vinifier et effectuer les bons choix en matière d’élevage.

Une vision pour ses vins

Pour David Lefort, les valeurs sont importantes. Parti d’une page blanche, sans héritage viticole, il s’est lancé dans son nouveau métier de vigneron en réalisant ses propres choix pour son vignoble. Pour lui, le principal, c’était d’être en viticulture biologique car cela fait partie de ses convictions personnelles.

« Le pinot noir est un cépage assez délicat, assez compliqué à vinifier, Il faut un bon équilibre entre le sucre et l’acidité. Il faut être vigilant sur la maturité phénolique. On va goûter les raisins, croquer la peau, les pépins et on va se dire c’est le bon moment pour vendanger… C’est en travaillant comme cela, à la sensibilité, et au feeling que j’ai construit et trouvé un terme, « kairos », qui résume bien ma philosophie. »

David est ainsi parvenu à exprimer sa vision pour ses vins à travers l’idée du kairos : « S’il n’y a qu’une façon de faire le bien, il est bien des manières de le manquer. L’une d’elles consiste à faire trop tôt ou trop tard ce qu’il eut fallu faire plus tard ou plus tôt… »

Les Grecs ont un nom pour désigner cette coïncidence de l’action humaine et du temps, qui fait que le temps est propice et l’action bonne  : c’est le « kairos », l’occasion favorable, le temps opportun , aime-t-il à rappeler sur ses étiquettes.

La première vendange pour révéler le terroir de chaque parcelle

Lors de sa toute première vendange, David Lefort avait décidé de faire des micro vinifications pour identifier le côté terroir de ses deux parcelles Clos l’évêque et Champs Martin.

« Quand on s’installe, on fait un état des lieux et après on se dit: qu’est-ce que je vais faire de tout cela ? Je voulais voir ce que mes vignes avaient dans le ventre en faisant cinq cuvées différentes, quitte à les assembler ensuite… »

David aurait pu faire une seule cuvée mercurey 1er cru. Ou bien deux. En fait, il en a fait cinq. Il a fait passer une première fois les vendangeurs, en leur demandant de sélectionner les plus beaux raisins à la fois dans le Clos l’évêque et dans le Champs Martin. Ces deux vendanges là, il les a vinifiées dans des 500 litres de vinification, en petits volumes. Il a ensuite séparé les raisins issus du bas du Clos l’évêque, qui est une parcelle de 90 ares de vieilles vignes, de ceux du haut du Clos l’évêque composé de 60 ares de jeunes vignes… ceci afin de mieux révéler les différents terroirs.

La première qualité, c’est l’observation

Le talent de l’alchimiste, c’est finalement de l’empirisme et du savoir-faire. Cela vient au fil des années. 

« C’est observer la nature, anticiper sur la météo, savoir comment la plante, la vigne, la végétation se comportent, c’est se déplacer dans les parcelles pour voir comment cela réagit. C’est un ressenti, qui va conditionner mon intervention, même s’il y a eu beaucoup de pluies sur mes deux parcelles, je ne vais pas forcément traiter l’une comme l’autre…

C’est vraiment l’observation parcellaire qui me guide au départ, puis j’ai des outils d’aide à la décision comme des bulletins météo pour savoir si je vais traiter ou ne pas traiter, vendanger ou pas. »

Faire des choix et expérimenter

David aime à distinguer ce qui dépend du vigneron et qu’il peut contrôler, de ce qui ne dépend pas de lui. 

L’alchimiste va effectuer des choix tout au long de l’année, dans la vigne, dans la cuverie, pendant l’élevage ou encore pour la mise en bouteille pour arriver à un produit. Il lui est aussi nécessaire de savoir faire varier les paramètres, même s’il arrive à un produit tout autre. 

« Jusqu’à maintenant, je n’ai pas filtré ni collé mes vins. J’ai essayé de le faire sur une cuvée. On est là pour accompagner le vin jusqu’à la bouteille sans trop d’intervention technologique. Sur les blancs, il faut être plus vigilant, maîtriser un peu plus certains paramètres comme le taux de sulfites. J’ai fait l’expérience d’un millésime à l’autre sur l’un de mes blancs. Je compare à ce que j’avais fait précédemment. Pour moi, la technique essayée dépouille un peu mon vin, mais je gagne en pureté et en netteté. En revanche, on est sur un vin un peu plus  »standard »…

Il faut voir avec le temps, avoir du recul, pour savoir si on va retrouver les mêmes caractéristiques que les vins précédents, en modifiant juste une technique.

Le talent de l’alchimiste, c’est aussi de savoir opérer des choix en s’adaptant au millésime

« Ce qui est très intéressant et ce qui est magique dans le métier, c’est que l’on ne sait pas vraiment ce que l’on va obtenir comme produit mais on y travaille. On fait des choix. C’est finalement l’expérience qui va nous conduire à répéter chaque année les bonnes choses et puis à éliminer toutes les petites erreurs, qu’il faut rectifier car ce n’est pas le même millésime, il faut s’adapter d’année en année. »

Pour conclure, le parcours de David Lefort démontre aussi que pour réussir, le vigneron doit savoir entreprendre et poser les grandes lignes de son développement futur.

Si l’alchimiste est connecté à ses vignes et à son vin, il ne néglige pas pour autant le lien avec les marchés et les consommateurs.

 »Cela me plaît beaucoup d’accueillir les gens, de leur raconter mon histoire et ma philosophie, de les faire déguster au domaine et qu’ils ne repartent pas seulement avec un vin mais avec quelqu’un derrière la bouteille, une personnalité, quelqu’un qui est parti de rien, qui ne se destinait pas à cela, et qui finalement a construit tout un grand projet. »

Par Sylvie Brasquies, publié le 02 Juin 2016
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